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CONCLUSION

Par leur nombre jusque-là sans précèdent, les blessés de la face de la Grande Guerre, mettent en relief l'impréparation et l'inexpérience du Service de Santé qui caractérisèrent les premiers temps du conflit, impréparation et inexpérience qui firent parfois sentir leurs effets jusqu'en 1918.            En fait, ce n'est que très progressivement que le monde médical apporta des réponses aux problèmes posés par les combattants au visage détruit. Réponses d'ordre organisationnel : elles visèrent à améliorer les conditions d'évacuations par la mise en place d'infrastructure destinés à recueillir et à soigner ces blesses, improvisées de toute pièce, elles ne prirent que tardivement leur forme définitive grâce à la mise en place de centres maxillo-faciaux répartis sur tout le territoire et capables de répondre à l'afflux de ces blessés particuliers. C'est aussi dans la prise en charge depuis le champ de bataille, par le biais de transports plus adaptés, plus efficaces, que le Service de Santé s'est attaché à apporter un élément de réponse, Cependant, jusqu'au bout, les défigures de la Grande Guerre ont souffert des nombreux retards et des multiples dysfonctionnement affectant la chaine de soins.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Réponses thérapeutiques : la chirurgie réparatrice de la face n'était au début du conflit qu'à l'état embryonnaire.                                                           Elle est parvenue au cours du conflit, à s'ériger en spécialité à part entière. Dans les traitements immédiats des blessés, dans la mise en œuvre de nouvelles techniques de greffes, dans la mise au point de matériaux de prothèses, de nouvelles méthodes permirent, à coté de procédés plus « classiques » de reconstruire au moins en partie ces visages détruits par la guerre. Les résultats, à la vue des photographies conservés, peuvent apparaître comme très médiocres, et parfois même atroces.                                                                                                                                               Pourtant, il ne s'agissait pas d’accoutrements sommaires mais avec des moyens modestes, des premiers essais de reconstruction jamais réalisés. Sans doute serait-ce une erreur de juger avec nos yeux de contemporains. Cependant le souci de ne pas commettre d'anachronisme ne doit pas faire oublier la souffrance de ceux qui furent si sommairement « réparés ». En effet, dans la recherche de réponses thérapeutiques, les blessés de la face de 1914-1918 ont constitué un véritable « matériel humain », objets d'expérimentations ou d'acharnements thérapeutiques, au prix d'échecs qui expliquent en partie les refus d’opérations. Le nombre peu élevé de ces derniers souligne cependant le caractère particulier de cette spécialité chirurgicale, comme en témoigne d'ailleurs les marques de reconnaissance des défigurés à l'égard du monde médical.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les étapes qui marquèrent le « chemin de croix » des défigurés de la Grande Guerre à travers les différentes formations sanitaires du Service de Santé s'achevaient dans les centres de chirurgie maxillo-faciale de l'arrière, où les blessés devaient subir de nombreuses et douloureuses opérations. Et précisément longue de leur traitement, cette interminable souffrance vécue en commun, favorisèrent le lent processus d'acceptation de soi et du handicap facial. C'est ensemble que les Gueules Cassées ont appris à vivre avec d'horribles mutilations, c'est ensemble qu'ils se sont attachés à reconstruire leur nouvelle identité à travers notamment un nouveau groupe de pair.

 

La détresse partagée dans les salles communes des hôpitaux a contribué à créer entre les défigurés une forme de sociabilité favorisant l'acceptation. Le personnel médical, infirmières et chirurgiens, ont prit part dans ce processus de reconstruction de cette nouvelle identité. Finalement, le refuge de l'hôpital devait les préparer à retisser les liens avec les proches et à affronter le monde extérieur, la société de l'après-guerre. Les difficultés qu'ils éprouvèrent à se réinsérer dans ce monde nouveau les plongèrent dans un profond désarroi qui les amena à tenter de se retrouver, de se protéger et de recréer le cadre dans lequel ils avaient appris à revivre.

 

L'Union des Blessés de la Face et de la Tête est née de cette nécessité, de ce besoin de sécurité et de partage des souffrances au quotidien . Première association créée en fonction de la nature de la mutilation, elle fut sous la conduite d'un homme exceptionnel, le colonel Picot.                      Le « père » des Gueules Cassées construisit à l'aide de ses associés, co-fondateur, Mr Jourdain et Mr Jugon.

 

Un idéal spécifique de fraternité et de solidarité matérialisés par les « Maisons » que l'on mesure le mieux l'extraordinaire transposition dans l'après-guerre de l'expérience hospitalière des blessés de la face. Sous leurs conduites les gueules cassées durent mener une lutte constante pour obtenir le « droit à la réparation » qu'on avait omis de leur accorder, preuve que la blessure au visage n'était décidément pas une blessure « comme les autres ». Ce sont ces « acquis » arrachés de haute lutte, mais aussi ces structures d'accueil patiemment crées que les blessés de la face de 14-18 ont su léguer aux générations suivantes de « gueules cassées » qui  succédèrent de 1939-45 jusqu'à nos jours : la guerre du Golfe. De nos jours, les blessés dela face et de la tête des nouvelles guerres sont considérés comme les nouvelles Gueules Cassées.. La première génération a pèse d'un poids considérable sur les générations de défigurés qui se sont succédés. La Grande Guerre, sur ce plan comme sur tant d'autres, aura donc imposé son cadre et sa « culture » aux conflits du XXe siècle.

 

 

 

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